Entrée en matière
Voici bien longtemps, je venais d’être convoqué par mon employeuse, l’Education Nationale, au sein de laquelle j’ai tout fait, au sein de laquelle j’étouffais et d’où je me suis évadé bien plus tard. Un ordre de mission m’envoyait aux Baumettes, à Marseille, « surveiller » tour à tour deux détenus qui présentaient pour l’un le baccalauréat, pour l’autre le certificat d’études primaires. J’étais passé tant et tant de fois devant ce monstre gris en mobylette, en cyclo comme on disait alors, le plus souvent pour rejoindre les calanques par la route du feu. Ici, au bout de la ville, prison et nature sauvage se touchent. Les Baumettes ! Les calanques ! Le noir et le blanc ! La nuit et le soleil ! Détention et Liberté ! Deux bras de levier en équilibre sur le col de Morgiou … Rivé au guidon je longeais les murs épais, jamais serein. Derrière, des frères de sang, et moi dans le vent … Infime distance à vol de gabian … vol de cyclo … Les sept péchés capitaux sculptés sur les murs d’enceinte vibraient dans ma poitrine comme le boomer d’une enceinte.
Un jour de juin, je suis donc entré dans l’antre de cette forteresse lugubre, humide et noire où les grilles se succèdent aux grilles, où les pierres, le béton et la ferraille se toisent et s’unissent sous les cris incessants des claquements, des grincements et des voix rauques. Ma tâche accomplie, je me suis retrouvé à l’extérieur, 239 chemin de Morgiou 13008 Marseille, un tantinet désemparé, espérant que ces deux hommes puissent tirer un quelconque profit de leurs candidatures. Dix-huit mois pour l’un, perpétuité pour l’autre. Je n’ai jamais voulu savoir le motif de leur incarcération et je n’ai jamais rien su de la suite.
Marqué au fer rouge, j’ai eu l’élan d’apporter ma contribution pour soulager, tant soit peu, cette souffrance qui venait de m’éclabousser et que j’avais tant ressentie.
J’ai donc contacté Monsieur René Frégni, écrivain, qui, m’avait-on dit, animait avec les prisonniers des ateliers d’écriture. Il m’a gentiment répondu et invité à le rencontrer. Je n’ai pas donné suite. Mes chemins de vie et mes choix d’alors m’ont éloigné de Marseille. J’ai lu ses livres, l’ai entendu sur les ondes, l’ai vu à la télé … Régulièrement, j’ai pensé à lui, à sa force de vie. J’enviais sa détermination, son honnêteté avec lui-même, un Patti Smith de l’écriture, déterminé, sans concession. Le temps a passé … Je l’ai rencontré dans un salon du livre … Le temps a passé … J’ai lu ses nouveaux livres … J’aime son écriture, elle me touche. Son parler me parle. Sa langue est la mienne. Il n’écrit pas en provençal mais le mistral, les embruns, le soleil et le thym slaloment entre ses mots. Sentiments fraternels.
Comme lui je suis né à Marseille, comme lui mes ancêtres sont venus d’Italie, en quête d’une vie meilleure, comme lui j’ai des racines corses, non d’Orezza comme son grand-père, mais de Loreto-di-Tallano par ma grand-mère, lui le nord, moi le sud, comme lui (mais moins que lui) j’ai fait les quatre cents coups dans les rues de Marseille, lui au nord, moi au sud, comme lui j’ai sillonné la Provence de part en part, comme lui j’ai gravi les collines parfumées, comme lui j’ai vibré avec Jean Giono, comme lui j’ai quitté la ville pour la Haute Provence, comme lui je n’ai jamais supporté l’injustice, comme lui j’ai cru à un monde meilleur et comme lui je déchante … Comme lui la prison me hante, mais moi, je n’ai rien dit et je n’ai rien fait, trop muré dans la mienne…
C’est à Banon au printemps dernier, le 21 mai 2023 pour la fête du fromage, que je l’ai revu, mais cette fois-ci avec une idée en tête. À cette occasion, la Librairie du Bleuet qui a déjà accueilli deux de nos créations (Sous le Vent de Maria Borrély et L’Homme Semence de Violette Ailhaud édités chez « Parole« ) organisait une rencontre avec quelques écrivains, un petit salon du livre. René s’y trouvait. Je m’étais déplacé pour le rencontrer tout spécialement. En quittant Banon, c’était décidé, j’allais monter une lecture musicale théâtralisée de l’un de ses romans, Où Se Perdent Les Hommes, avec l’aimable autorisation de l’auteur, bien entendu ! Ce livre me parlait tant !
Elodie FUNÈS, musicienne et avec qui nous avons moultes fois travaillé a tout de suite accepté l’aventure. Laure, mon épouse, aidera à la justesse par la pertinence de son regard extérieur.
La première représentation est prévue le 11 mai 2024, à la librairie de l’Horloge à Carpentras !
Porté par les mélodies d’Elodie, je serais heureux de partager avec vous les mots de René.
Paul BRUNO
Le livre
Synopsis
Ralph anime un atelier d’écriture dans une prison de Marseille. Un jour il voit arriver un détenu étrange, Bove, condamné à dix-huit ans de réclusion pour le meurtre de sa femme. Cet homme, toute la prison en parle sans l’avoir jamais vu. Depuis trois ans qu’il est enfermé, c’est la première fois qu’il franchit le seuil de sa cellule. Ralph découvre que ce prisonnier vit dans huit mètres carrés avec le fantôme de sa femme Mathilde qu’il peint inlassablement sur les murs de son cachot. Dès lors la personnalité de Bove l’obsède et, lorsque celui-ci tente de se suicider, Ralph n’a plus qu’une idée : le faire évader.
L’auteur
René Frégni, né le 8 juillet 1947 à Marseille, est un écrivain français.
Dès l’entrée au CP, il subit les moqueries des enfants qui l’appellent « quatre oeil ». Blessé, René jette ses lunettes et n’en portera plus jusqu’à l’âge de 19 ans. Il rate sa scolarité et traîne, toute sa jeunesse, avec une bande de chenapans dans les rues de Marseille.
Déserteur à 19 ans, il vit cinq ans de petits boulots à l’étranger sous une identité d’emprunt puis revient en France.
Il a connu une existence mouvementée avant de se consacrer à l’écriture. Il a exercé divers métiers, dont celui d’infirmier psychiatrique, et a longtemps animé des ateliers d’écriture à la prison des Baumettes de Marseille.
Lors de son séjour en prison militaire, il découvre tour à tour les grands écrivains qui l’accompagneront toute sa vie : Giono, Céline, Camus et Flaubert. C’est là aussi qu’il écrit son premier poème : il ne lâchera plus ni son cahier ni son stylo. Quarante ans d’écriture et d’évasions.
Il est aujourd’hui l’auteur d’une quinzaine de livres, imprégnés de ses voyages et de son expérience avec des détenus.
L’essentiel de son œuvre est disponible dans la collection Folio-Gallimard.
La ville est au centre de tous les romans qu’il écrit mais chaque page traverse des forêts, des hameaux perdus, des plateaux sauvages. Toute l’œuvre chemine entre la noirceur des hommes, la lumière de la mer et la beauté des femmes. Son âme est Manosquine autant que Marseillaise.
Il écrit également des livres pour enfants.
La plupart de ses romans ont reçu un Prix littéraire et sont traduits en 6 langues.
« René Frégni est plus qu’un grand écrivain. Ses nombreux prix littéraires ne l’éloignent pas des autres. C’est un père et un éducateur. Ses interventions dans les prisons et les écoles, son humanisme, son humour, sa gentillesse, sa volonté constante de partager ses savoirs, en font un gentleman des lettres » Jean DAROT, « Editions Parole »
La musicienne
Elodie Funès
Elodie a commencé la musique à l’âge de 6 ans.
Médaillée d’or en flûte traversière en 2002 à Aix-en-Provence, dans la classe de Jean-Marc Boissière, Élodie s’est ensuite retournée vers son premier instrument, l’accordéon.
Titulaire du DUMI depuis 2004, elle a travaillé en milieu scolaire et en crèche pendant près de 15 ans en tant que musicienne intervenante, et a parallèlement enseigné en école de musique.
Elle parcourt les scènes en solo ou dans différentes formations, notamment avec le groupe Des Belles et Des Clochards de 2004 à 2012, dont elle était autrice et compositrice, puis depuis 2017 avec la Compagnie Rêve Lune et le groupe Karan’. Elle est aussi une habituée des festivals et spectacles de rue, où elle collabore avec des compagnies de cirque et de théâtre, puis avec Piazza Vittorio pour le Cabaret Mazik. Ses nombreuses expériences et la rencontre avec Sylvie Prabel Quoirin l’ont conduite à découvrir et s’engager dans le monde du spectacle pour le jeune public avec la compagnie Le Jardin d’Alice. Elle travaille également avec Félix Diffusion, la compagnie Rêve Lune et Base Art Compagnie.
Elle dirige également depuis 2004 différentes chorales (le chœur de la Plaine à Marseille de 2004 à 2012, puis la chorale lei Topins à Vernègues depuis 2014, ainsi que des stages de chant choral avec l’association Mélodies Plurielles à Mallemort)
Le comédien
Paul BRUNO
Après quelques menus boulots, Paul entre à l’Ecole Normale d’instituteur d’Aix en Provence en 1976 et devient enseignant d’abord en établissements spécialisés pour adolescents puis pour plus jeunes enfants en difficulté. Il enseigne ensuite en école Freinet, puis quitte les Quartiers Nord de Marseille pour la Drôme provençale où il va occuper de nombreux postes en milieu rural dans plusieurs villages de la maternelle au CM2, en passant par un collège et des classes uniques …
À partir de 1986, il fréquente un atelier au Théâtre du Rond-Point à Valréas et participe aux tournées estivales dans plusieurs villages du Vaucluse et des Baronnies. Le virus de la scène ne le quittera plus et il travaille assidument en suivant diverses formations, surtour autour du clown de théâtre, d’abord avec Jean-Pierre Casazza de la Compagnie La Befana, à Chambéry, puis avec Alain Bertrand de la Compagnie Alain Bertrand de Grenoble. Se sentant de moins en moins en accord avec lui-même au sein de l’Education Nationale, Paul demande un mi-temps et crée sa propre compagnie en 1994, la Compagnie Polichinelle, au sein de son village, Vinsobres. Il crée un spectacle par an et anime des ateliers enfants, adolescents et adultes. La Compagnie se déplace ensuite à Nyons et Paul quitte les écoles pour se consacrer pleinement à son nouveau métier de comédien, metteur en scène, formateur.
En 2001, il quitte la Drôme pour le Vaucluse et s’installe à Mazan. En 2008 une nouvelle Compagnie voit le jour, c’est Base Art Compagnie qui perdure aujourd’hui.
TÉMOIGNAGES
René Frégni :
« Un spectacle fabuleux qui va voyager loin ! Merci à vous deux ! » (12 mai 2024)
« Vu pour la générale ! Très beau texte et belle interprétation ! À voir et à entendre absolument ! » (25 avril 2024)
« Merci BASE ART Compagnie pour ce spectacle très touchant à partir de la belle écriture de René Frégni » (12 mai 2024)
Thierry B. (président « Lire au temps des cerises », Flassan) :
« Encore bravo pour ton (votre) interprétation au Bleuet ! Ce fut une bien belle soirée. Félicitations. » (25 juillet 2024)
Marc Gaucherand (Librairie Le Bleuet, Banon) :
« Un grand merci à vous pour cette belle soirée ! » (25 juillet 2024)